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Notre processus aide le Canada à trouver des solutions de développement durable intégrant les considérations environnementales et économiques afin d'assurer la prospérité et le bien-être de notre nation.

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We rigorously research and conduct high quality analysis on issues of sustainable development. Our thinking is original and thought provoking.

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We convene opinion leaders and experts from across Canada around our table to share their knowledge and diverse perspectives. We stimulate debate and integrate polarities. We create a context for possibilities to emerge.

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We generate ideas and provide realistic solutions to advise governments, Parliament and Canadians. We proceed with resolve and optimism to bring Canada’s economy and environment closer together.

Cap sur l’eau – Chapitre 7 : Gouvernance participative de l’eau

La gouvernance de l’eau désigne les processus et les institutions par lesquels se prennent les décisions sur l’eau. Cela comprend la gamme des processus politiques, organisationnels et administratifs servant à prendre des décisions et à les mettre en œuvre de même que la façon dont les décideurs sont tenus de rendre des comptes. Elle diffère de la gestion de l’eau, qui désigne l’activité opérationnelle concrète de réglementer les ressources en eau et d’en régir les conditions d’utilisation52.

La TRNEE s’est donné pour mission d’explorer le potentiel des approches de gouvernance participative de l’eau et de voir comment elles pourraient aider les secteurs des ressources naturelles à utiliser l’eau à l’enseigne de la durabilité. Nos recherches nous éclairent dans trois domaines :

  • les avantages et les défis des approches actuelles de gouvernance participative de l’eau;
  • les rôles changeants des gouvernements et des industries dans la gouvernance et la gestion de l’eau et la façon dont un processus de gouvernance participative permettrait de composer avec ces changements;
  • les circonstances qui pourraient justifier le recours à la gouvernance participative de l’eau dans l’avenir.

LES MODÈLES DE GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L’EAU AU CANADA

L’émergence de modèles de gouvernance participative offre l’occasion d’améliorer le mode de gestion de l’eau au Canada et procure la souplesse requise pour composer avec les particularités régionales et locales. Cela permet de planifier plus localement, ce qui favorise la prise de décisions propres au lieu, plus éclairées, et facilite la participation d’un plus grand éventail d’intervenants. Les structures de gouvernance participative de l’eau sont souvent associées à la gestion par bassin versant, celui-ci étant propice à la participation des intervenants locaux et régionaux.

Un certain nombre de provinces et territoires canadiens se sont récemment dotés de stratégies sur l’eau, dont le Québec (2002)53, l’Alberta (2003)54, le Manitoba (2003)55, la Colombie- Britannique (2008)56, et, plus récemment, la Nouvelle-écosse57 Territoires du Nord-Ouest (2010)58. Bon nombre de ces stratégies comportent des initiatives de gouvernance participative de l’eau impliquant souvent la création d’organismes de bassin versant.

Les provinces ont une forme ou une autre d’organisations de bassin versant, mais le rôle de ces groupes varie de l’une à l’autre. Par exemple, les conseils de planification et de consultation des bassins versants (watershed planning and advisory councils, ou WPAC) de l’Alberta, qui sont reconnus dans la stratégie de cette province, sont à préparer des plans de gestion des bassins versants sur laquelle la province pourrait éventuellement légiférer. Par contre, les organismes de bassin versant de la Colombie-Britannique fonctionnent indépendamment les uns des autres en marge de toute politique commune. Certains, comme l’Okanagan Basin Water Board, sont prescrits par une loi provinciale et jouissent de pouvoirs de taxation; d’autres sont purement volontaires. Les provinces suivantes ont adopté un processus officiel de gouvernance des bassins versants à l’échelle de leur territoire : l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick. Souvent, le passage à la prise de décisions à l’échelle du bassin versant demande aussi de faire la transition de structures de gouvernance descendante contraignantes à des structures de gouvernance ascendante plus participatives.

Les provinces qui ont rendu la participation obligatoire à de tels modèles ou qui ont précisé les catégories d’intervenants qui devraient y participer sont l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et le Québec. D’autres provinces, comme l’île-du-Prince-édouard, encouragent vivement les groupes de bassin versant à s’entourer d’une variété d’acteurs du milieu sans toutefois les y obliger ni préciser de catégories d’intervenants.

DÉFINIR LA GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L’EAU

La gouvernance participative de l’eau peut prendre de nombreuses formes et remplir une foule de fonctions ayant toutes deux caractéristiques clés :

  1. le degré de participation non gouvernementale;
  2. le degré de délégation du pouvoir décisionnel.

La figure 25 illustre l’éventail des modèles de gouvernance participative qui sont possibles selon ces deux facteurs. Nous en définissons quatre :

  • Il y a gouvernance traditionnelle lorsque le gouvernement contrôle l’ensemble du processus décisionnel. Les acteurs non gouvernementaux, surtout, toutes proportions gardées, des experts techniques, ne participent habituellement que peu, le cas échéant, à ce type de gouvernance, ne le faisant d’ordinaire que sur invitation. Cette participation est habituellement de durée limitée et obéit à mandat très précis et souvent pointu. La plupart des gouvernements au Canada ont abandonné ce modèle.
  • La gouvernance participative multiniveau fait appel à de nombreux ordres de gouvernement avec l’objectif global d’améliorer les résultats de gestion. Elle mobilise en général un éventail d’intervenants gouvernementaux – et parfois non gouvernementaux – pour une période relativement longue. Il se crée habituellement un forum où s’échange de l’information et où se discutent et se négocient des mesures de gestion, mais les organismes gouvernementaux officiels conservent le pouvoir de décider. Les partenaires gouvernementaux existants agissent dans le cadre de leurs compétences respectives et du mandat qui leur est prescrit par la loi et nomment des représentants au processus participatif. Citons en exemple le Conseil du bassin du Fraser, en Colombie-Britannique, et la Bras d’Or Lakes Collaborative Environmental Planning Initiative, en Nouvelle-Écosse.
  • La gouvernance consultative, qui désigne en général des initiatives gouvernementales de résolution de problèmes, servent à obtenir des informations précises pour réformer des politiques. Le but premier de ces initiatives est de consulter à fond une foule d’intervenants; les gouvernements consultent ceux-ci sans partager avec eux leur pouvoir décisionnel. Généralement bref, le mandat de ces initiatives est normalement étroit. D’ordinaire, aucun fondement législatif ne préside à la création d’un organe de gouvernance consultative. Citons en exemple les groupes de bassin versant du Nouveau- Brunswick, qui font beaucoup de travail pour classifier les cours d’eau de leur bassin hydrographique, mais qui n’ont pas de rôle formel ou réglementaire.
  • La gouvernance déléguée fait appel à la participation d’un éventail d’organisations officielles et autonomes qui ont le pouvoir de mettre en oeuvre des décisions de gestion de l’eau des eaux et qui jouissent souvent d’un budget plus important que celui des autres types de gouvernance participative. Un éventail d’intervenants des secteurs public et privé y sont normalement représentés. Contrairement aux autres arrangements de gouvernance participative, ces organes sont des organismes gouvernementaux officiels voyant souvent le jour en vertu d’une loi précise. Citons en exemple d’un tel modèle l’Okanagan Basin Water Board.

FIGURE 25

Figure 25 : Approches de gouvernance participative de l’eau

Ces quatre catégories ne sont présentées qu’à titre indicatif puisqu’il est souvent difficile d’y assigner l’un ou l’autre modèle de gouvernance. Par exemple, les organismes de bassin versant du Québec se situent à la croisée des catégories de la gouvernance multiniveau, de la gouvernance consultative et de la gouvernance déléguée. De plus, les modèles de gouvernance peuvent faire partie de la même grande catégorie sans avoir le même niveau de délégation ou de participation.

EXPLORER LA GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L’EAU AU CANADA

La TRNEE, en collaboration avec quatre organismes de bassin versant, s’est demandé en quoi la gouvernance pouvait aider les secteurs des ressources naturelles à faire une utilisation plus durable de l’eau. Nos recherches ont profité d’éclairage d’une série d’ateliers tenus dans des bassins versants de l’Alberta (bassin versant de la rivière Saskatchewan Nord), de la Colombie- Britannique (bassin de l’Okanagan), de la Nouvelle-écosse (lacs Bras d’Or) et du Québec (bassin versant de la rivière Saint-François). Nous y avions convié un vaste éventail d’intervenants de la gouvernance participative de l’eau comprenant tous les ordres de gouvernement, les organisations non gouvernementales, les secteurs des ressources naturelles et de simples citoyens intéressés. Ces ateliers ont permis à la TRNEE d’aller au-delà de la théorie et d’apprendre d’expériences concrètes menées au pays.

Des constats semblables ont été faits durant ces quatre ateliers. Malgré certaines différences régionales – la réalité socioéconomique variant d’un bassin hydrographique à l’autre – nous avons souvent découvert les mêmes grands enjeux et concepts en Alberta, en Colombie-Britannique, en Nouvelle-écosse et au Québec. Nous construisons donc notre rapport sur cette notion de convergence nationale sans décrire les différences régionales. Les résultats détaillés de chaque atelier sont expliqués plus à fond dans un rapport interne commandé par la TRNEE60.

Nos recherches comprenaient également la consultation en ligne d’un groupe d’experts. Dans le cadre de cet exercice, des représentants des secteurs des ressources naturelles ont élaboré sur des questions précises semblables à celles qui ont été posées durant les ateliers tenus dans les bassins versants. Le but de rassembler ce groupe d’experts de l’industrie était de tirer parti de leur expérience pratique et de mieux comprendre les points de vue et les opinions des secteurs des ressources naturelles sur la gouvernance participative de l’eau au Canada.

Enfin, nous avons pu y voir plus clair dans nos recherches gràce aux résultats d’un atelier national que nous avons tenu en février 2010 afin d’explorer le rôle des secteurs des ressources naturelles dans la gouvernance participative de l’eau. Le reste du présent chapitre décrit les grandes constations auxquelles nous en sommes arrivés à l’issue de ce vaste processus de consultation et de mobilisation sur la gouvernance participative de l’eau. Plus de 140 intervenants de toutes les régions du Canada y ont alimenté la réflexion.


QUATRE ÉTUDES DE CAS SUR LA GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L’EAU


Vous trouverez dans le présent chapitre les résultats des ateliers que nous avons tenus à Penticton (C.-B), à Edmonton (Alberta), à Sydney (Nouvelle-écosse) et à Sherbrooke (Québec) en collaboration avec les organismes de bassin versant locaux.

BASSIN DE L’OKANAGAN

Situé en Colombie-Britannique, l’Okanagan est un bassin versant semi-aride qui s’alimente en eau de neige et qui fait face à des situations d’extrême abondance et sécheresse. L’eau y est consommée à 86 % pour diverses formes d’irrigation, l’agriculture en utilisant le plus (55 %), suivie de l’irrigation extérieure à des fins domestiques (24 %). L’Okanagan Basin Water Board a été créé en 1968, se voyant alors confier le mandat de déterminer et de résoudre les problèmes urgents de l’eau. Siègent à son conseil d’administration des représentants des trois districts régionaux de l’Okanagan, de l’Okanagan Nation Alliance, de la Water Supply Association of B.C. et de l’Okanagan Water Stewardship Council.

BASSIN VERSANT DE LA RIVIÈRE SASKATCHEWAN NORD

Le bassin versant de la rivière Saskatchewan Nord, d’une superficie totale de 57 000 km2, est l’un des grands bassins d’alimentation en Alberta. Du Parc national du Canada Banff, où il prend sa source, il coule vers l’est en traversant l’Alberta et se jette dans la rivière Saskatchewan Sud, en Saskatchewan. Il abrite le tiers environ de la population de l’Alberta et 86 des municipalités de celle-ci. On y produit environ 60 % de l’électricité de la province à partir de deux grands réservoirs hydroélectriques et de trois centrales thermiques alimentées au charbon cohabitant avec d’importants secteurs des forêts, de l’agriculture, de la pétrochimie et du pétrole et du gaz. La North Saskatchewan Watershed Alliance a été constituée en organisme sans but lucratif en l’an 2000. Ayant reçu la désignation officielle de conseil de planification et de consultation du bassin versant (WPAC) du bassin de la rivière Saskatchewan Nord en 2005, l’Alliance est chargée en vertu de la politique « Water for Life » de formuler des plans de gestion du bassin hydrographique.

LACS BRAS D’OR

Les lacs Bras d’Or sont un milieu estuarien. Leur bassin versant de 3 500 km2 englobe non seulement certaines zones des hautes-terres du cap Breton à des centaines des mètres d’altitude, mais également, au niveau de la mer, des marais salés et des barachois (de petites lagunes côtières séparées de l’océan par une barre de sable). L’activité humaine y est variée et comprend l’exploitation minière, l’agriculture, la pêche, le tourisme, la chasse, les arts et l’artisanat et les parcs éoliens. La Bras d’Or Lakes Collaborative Environmental Planning Initiative (CEPI) a été lancée en 2003 par un groupe formé de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, de membres des Premières Nations, d’organismes communautaires, d’universitaires et de résidents. La CEPI est unique en ce qu’elle fait appel tant au savoir occidental qu’à celui des Premières Nations, une approche dite du « double regard ».

BASSIN VERSANT DE LA RIVIÈRE SAINT-FRANÇOIS

Ce bassin versant d’une superficie de 10 499 km2 s’étendant à 14 % aux états-Unis est situé dans le Sud-Est du Québec. La rivière Saint-François prend naissance dans le lac du même nom et coule vers le nord pour se jeter dans le fleuve Saint-Laurent. Le bassin comprend 102 municipalités, mais les terres y servent principalement à des fins forestières (66 %) et agricoles (23 %). Deux mesures circonscrivent le mandat du Conseil de gouvernance de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François (COGESAF) : la Politique nationale de l’eau, qui a été adoptée en 2002, et la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection, qui l’a été en 2009. Ensemble, ces initiatives provinciales ont créé 33 (maintenant 40) bassins prioritaires, dont celui de la rivière Saint-François. Bien que la COGESAF prépare des plans pour l’ensemble du bassin versant, l’organisme supervise et coordonne également la planification et la gestion à l’échelle des sous-bassins.

AVANTAGES ET DÉFIS DE LA GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L’EAU

AVANTAGES

La gouvernance participative de l’eau peut aider à instaurer un climat de confiance, à cultiver la clarté et à prévenir ou atténuer les conflits. Elle crée des amitiés et des alliances et favorise la compréhension entre divers groupes. En retour, bàtir des ponts apaise les conflits. Cela découle en partie de la capacité d’apprendre que procure la gouvernance participative de l’eau, un processus qui permet à des intervenants d’horizons divers de travailler à réaliser une même vision et des objectifs communs et de chercher à se comprendre mutuellement. Les participants apprennent à mieux comprendre les défis particuliers que d’autres personnes ou organisations doivent relever. La pollinisation croisée des idées et l’éducation mutuelle sont aussi des vecteurs d’innovation.

Les processus participatifs sont un moyen d’améliorer la prise de décisions et la planification à long terme à l’échelle du bassin versant. Gràce à eux, les organismes de gouvernance sont mieux outillés pour faire face à l’avenir et relever les défis qui les interpellent. La gouvernance participative de l’eau peut se révéler un moyen crucial de fixer des priorités à l’échelle du bassin versant et de répartir les ressources humaines et financières nécessaires au règlement des problèmes de gestion de l’eau. Elle est vue comme un mécanisme de gestion intégrée des terres et des eaux permettant de s’occuper de questions interdépendantes (p. ex. la sécurité alimentaire et la sécurité hydrique) et de résoudre des problèmes. Elle est également considérée comme un moyen d’intégrer la gestion des eaux dans un cadre plus vaste de gestion et d’action écologiques.

L’incertitude quant à l’orientation future des cadres de réglementation représente un défi pour les entreprises des secteurs des ressources naturelles puisqu’il leur faut, pour faire de la planification stratégique, connaître le cadre de réglementation des années à l’avance. Les approches participatives peuvent donner une idée de la direction qu’empruntera la réglementation si les fonctions qui s’y rattachent sont claires et si le processus s’arrime à d’autres, plus vastes, d’élaboration de politiques stratégiques.

DÉFIS

Les défis de la gouvernance participative de l’eau sont : le roulement des participants (tant sur le plan du nombre que de la représentation); le manque de données; le morcellement des données; l’inégalité de représentation des intervenants; la fragmentation provinciale et territoriale; et le tiraillement entre, d’un côté, les avantages perçus de l’autonomie et du pouvoir décisionnel et, de l’autre, l’attrait d’une surveillance, d’une direction et d’un soutien de la part de la province.

L’un des écueils souvent évoqués est celui d’une juste représentation. Par exemple, il y a des défis à relever lorsqu’on travaille avec de petites municipalités qui, tout en ayant compétence sur un petit territoire à l’intérieur d’un bassin versant, jouissent d’une autorité beaucoup plus grande en matière d’aménagement du territoire et de réglementation des eaux. Dans le même ordre d’idées, les plus grandes municipalités présentent un défi en ce qu’il peut leur arriver d’exercer plus d’influence économique et démographique que quiconque sur un bassin particulier sans pour autant avoir plus d’un siège à la table, ce qui crée une égalité artificielle.

L’approche consensuelle peut à la fois aider et nuire. D’une part, cette approche rallie davantage, favorise l’apprentissage et sème la confiance. D’autre part, elle est souvent lente, encombrante et coûteuse.

Dans le même ordre d’idées, l’absence d’autorité dévolue est un couteau à deux tranchants. Peu de pouvoirs lui étant conférés, l’organisme de bassin versant jouit habituellement de la réputation d’un rassembleur neutre. Mais faute d’être investi de l’autorité nécessaire, l’organisme ne peut pas toujours agir sur des questions censées, aux yeux du public, relever de sa compétence. De plus, l’absence d’un tel pouvoir implique que l’organe gouvernant n’est pas véritablement en mesure d’aider à relever l’un des grands défis de gouvernance évoqués dans divers bassins versants : le manque de coordination et de synchronisation entre les politiques et processus de planification de l’eau de différents organismes gouvernementaux.

Les industries participantes voient la gouvernance participative comme un processus dans lequel il faut investir beaucoup de ressources. Compte tenu des multiples processus régionaux et locaux en cause, souvent à travers un vaste territoire, cela demande des heures de main-d’œuvre, de l’information, de la recherche et des déplacements. Pour les entreprises qui exercent leurs activités dans beaucoup de provinces, cela peut représenter un investissement majeur. Pour s’engager à long terme, les entreprises doivent savoir qu’un tel investissement en vaudra clairement la peine, en particulier si elles s’engagent dans des processus participatifs tout en répondant aux exigences réglementaires s’appliquant à leur industrie. La clarté des objectifs, des résultats et des processus associés aux approches participatives et le fait de mieux comprendre la place qu’occupent ces processus dans les cadres de réglementation existants sont deux moyens d’aider à dissiper ces craintes et de persuader les industries de continuer à participer à ces approches.

Enfin, il se peut qu’à certains moments, la confiance qui règne à l’intérieur d’un processus de gouvernance participative s’effrite, en particulier lorsque les règles qui régissent la reddition de comptes et les rôles sont vagues. Il est tout aussi important de fixer les bonnes « règles d’engagement » en matière de gouvernance que de réunir les bonnes personnes autour de la table.

LES RÔLES CHANGEANTS DES GOUVERNEMENTS ET DES INDUSTRIES

LES RÔLES DES GOUVERNEMENTS

Bien que les gouvernements provinciaux investissent dans les processus de gouvernance participative, les participants à de tels arrangements se disent souvent frustrés du manque perçu d’encadrement continu de la part de ces gouvernements. La transparence et l’accessibilité du processus – en particulier en ce qui a trait aux rôles et responsabilités des gouvernements – sont propices à la réussite, ne cesse-t-on de souligner.


FAIRE FONCTIONNER LA GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L’EAU


La gouvernance participative de l’eau convient quand :

  • la participation de multiples intervenants à la prise de décisions sur la « situation dans son ensemble » ou au règlement de questions stratégiques est requis;
  • l’engagement à long terme de multiples intervenants est requis;
  • des cadres stratégiques sont en développement;
  • des plans de bassin versant s’élaborent.

La gouvernance participative de l’eau fonctionne quand :

  • les droits, les responsabilités, les mandats et les règles sont clairs;
  • les relations sont plus importantes que les hiérarchies;
  • des objectifs et des avantages communs peuvent être définis;
  • les participants reconnaissent la nécessité de prendre des décisions à une échelle précise;
  • le processus participatif jouit d’un financement stable;
  • les participants souscrivent tous à la gouvernance durable de l’eau.

La gouvernance participative de l’eau pourrait ne pas convenir ou fonctionner quand :

  • les participants ne veulent pas tous s’assoir à la table;
  • le processus est utilisé par certaines groupes pour repousser le moment d’agir ou pour entraver les processus d’élaboration de politiques;
  • aucun processus n’existe pour résoudre les conflits;
  • il y a déséquilibre des pouvoirs;
  • on ne sait pas trop qui a le pouvoir de décider;
  • les politiques fédérales et provinciales ne vont pas dans le sens des objectifs des administrations municipales ou des organismes de bassin versant;
  • il faut agir sans tarder pour résoudre une crise;
  • un ministère peut régler facilement un problème bien précis.

Les moyens suivants d’aider à améliorer les futurs processus participatifs sont des suggestions qui s’adressent tant au gouvernement fédéral qu’aux gouvernements provinciaux et qui ont été formulées à partir des commentaires qui ont été adressés à la TRNEE durant les ateliers qu’elle a tenus dans les bassins versants.

Pour les gouvernements provinciaux :

  • clarifier les processus de gouvernance participative dans les lois, y compris les paramètres de reddition de comptes;
  • assurer un financement stable aux initiatives de gouvernance participative de l’eau;
  • réformer les régimes d’attribution des permis d’utilisation d’eau.

Le gouvernement fédéral pourrait se donner les rôles suivants dans l’avenir :

  • améliorer la collecte, la surveillance et l’analyse des données;
  • harmoniser les outils d’évaluation de la qualité et de la disponibilité de l’eau à travers le Canada (là où cela est possible);
  • miser davantage sur l’éducation publique.

Les Premières Nations et leurs gouvernements jouent un rôle de plus en plus important dans la gouvernance participative de l’eau au Canada. Bien que les droits relatifs à l’eau des Premières Nations – y compris les droits de gouvernance et de contrôle – continuent à faire l’objet d’interprétations et de définitions dans le cadre de négociations et par l’entremise des tribunaux, il est clair que les gouvernements ont de nouveaux devoirs à remplir à l’égard des Premières Nations et de l’eau. Toute activité susceptible d’enfreindre ces droits doit faire l’objet de consultations avec les ayants droit, et cela comprend les processus décisionnels entourant la gestion de l’eau. Dans bien des régions du Canada, les Premières Nations s’impliquent directement dans la gouvernance de l’eau, travaillant avec les autres gouvernements et les partenaires ou les incitant à collaborer avec elles par l’entremise d’initiatives visant à planifier l’aménagement des bassins versants, à planifier la protection des sources et à gérer l’eau.

Les valeurs culturelles et spirituelles des Premières Nations font de celles-ci d’excellents collaborateurs aux processus de gouvernance participative de l’eau puisqu’elles cherchent à concilier les besoins d’aujourd’hui et de demain des divers utilisateurs et des écosystèmes. Le savoir des Premières Nations et les connaissances indigènes pourraient nous aider grandement :

  • à comprendre la santé et les rouages du bassin versant;
  • à trouver des approches de collaboration fructueuse;
  • à formuler des valeurs et des priorités;
  • à réussir la mise en œuvre concertée de mesures et de solutions.

Leur participation est donc essentielle au succès de la gouvernance participative de l’eau.

LES RÔLES DES SECTEURS DES RESSOURCES NATURELLES

Les secteurs des ressources naturelles utilisent depuis longtemps des processus participatifs et savent que de tels processus sont utiles à diverses conditions. À leur avis, il faut clairement faire la preuve de leurs avantages. Ils font également valoir qu’il est impératif d’offrir des incitatifs adaptés au contexte pour amener l’industrie à y participer. De même que les autres intervenants, les entreprises des secteurs des ressources naturelles veulent qu’on leur explique plus clairement les attentes, les rôles et les responsabilités relativement à la gouvernance de l’eau.

La participation de l’industrie aux forums de gouvernance participative de l’eau n’est pas acquise et pourrait demeurer faible jusqu’à que les gouvernements légifèrent pour les rendre obligatoires. La faiblesse de cette participation peut tenir à plusieurs choses, l’une des plus importantes étant que certaines industries voient mal en quoi cela peut les aider et estiment ne pas y trouver vraiment leur compte. Les sociétés réagissent fortement aux signaux qu’elles reçoivent des gouvernements et des mécanismes de réglementation. Si elles pensent que les gouvernements ne font pas de la gouvernance participative une priorité, elles agiront de même et risquent fort de ne pas y participer.

Il y a également le problème du temps et des ressources nécessaires pour participer à ces processus, qui se transforme souvent en « épuisement des bénévoles » chez les intervenants non gouvernementaux. Cela a des conséquences puisque les entreprises hésiteront à investir du temps et de l’argent dans un processus qui a peu de chances de réussir. Des incitatifs sont requis pour assurer la participation de tous les secteurs concernés des ressources naturelles afin qu’ils s’approprient et acceptent davantage le processus de gouvernance participative de l’eau.

La TRNEE a conclu un partenariat avec le Water Policy and Governance Group (WPGG) de l’Université de Waterloo afin d’examiner les conséquences explicites des approches de gouvernance participative de l’eau pour les entreprises des secteurs des ressources naturelles et les répercussions de leur participation sur ces processus. Cette étude alimente les recherches de la TRNEE et celles, en cours, du projet Governance for Source Water Protection in Canada du WPGG.

Vingt et un participants des quatre coins du pays représentant les entreprises des ressources naturelles des secteurs des mines, du pétrole et du gaz, des forêts et de l’électricité participent à un forum en ligne à rondes multiples utilisant la « méthode Delphi ». Par le truchement d’un sondage Web, les membres du groupe d’experts interagissent dans l’anonymat, ce qui leur permet d’approfondir et d’examiner plus ouvertement certaines questions et préoccupations clés. Ce mode de recherche aide à faire ressortir les points de convergence et de divergence des participants. Les premiers résultats témoignent de la complexité du rapport qu’entretiennent les secteurs des ressources naturelles avec les approches de gouvernance participative de l’eau. Ces approches offrent beaucoup de possibilités, mais elles ne sont pas sans coûts, comme en font foi les thèmes principaux qui se dégagent de la recherche :

  • Le dialogue que permettent d’avoir les processus de gouvernance participative offre la possibilité d’échanger de l’information, des perceptions et des idées. Cela permet aux entreprises d’échanger avec les intervenants, de tisser des liens, de dissiper de fausses perceptions et de faire valoir leur point de vue. Cela leur donne également l’occasion d’écouter et d’apprendre de l’expérience d’autrui.
  • Les processus de gouvernance participative permettent aux entreprises de s’impliquer dès le départ dans les processus décisionnels, ce qui leur permet d’agir sur les perceptions d’autres intervenants engagés et de veiller à ce qu’on tienne compte de leurs positions, de leurs points de vue, de leur expertise, de leur expérience et de leur information tout au long du processus décisionnel.
  • Les entreprises des secteurs des ressources naturelles estiment qu’un de leurs plus grands défis est de composer avec l’incertitude qui règne quant à l’orientation future des cadres de réglementation, faisant valoir qu’il leur faut, pour faire de la planification stratégique, connaître le cadre de réglementation des années à l’avance. Les approches participatives peuvent jeter un éclairage précieux sur la direction qu’empruntera la réglementation, mais seulement si les fonctions qui s’y rattachent sont claires et si le processus s’arrime à d’autres, plus vastes, d’élaboration de politiques stratégiques.
  • Les entreprises des secteurs des ressources naturelles qui souhaitent s’engager dans un processus de gouvernance participative doivent y investir beaucoup de ressources. Compte tenu des multiples processus régionaux et locaux en cause, souvent à travers un vaste territoire, cela demande des heures de main-d’œuvre, de l’information, de la recherche et des déplacements. Pour les entreprises qui exercent leurs activités dans beaucoup de provinces, cela peut représenter un investissement majeur. Pour s’engager à long terme, les entreprises doivent savoir qu’un tel investissement en vaudra clairement la peine, en particulier si elles s’engagent dans des processus participatifs tout en répondant aux exigences réglementaires s’appliquant à leur industrie. La clarté des objectifs, des résultats et des processus associés aux approches participatives et le fait de mieux comprendre la place qu’occupent ces processus dans les cadres de réglementation existants peuvent aider à dissiper ces craintes.
  • Les entreprises des secteurs des ressources naturelles reconnaissent que le recours à des processus de gouvernance participative pour prendre des décisions a ses limites. De tels processus pourraient échouer si les parties refusent de s’entendre ou d’en arriver à un consensus. Dans ce cas, les gouvernements pourraient encore avoir le devoir d’agir.
  • Vous trouverez aux deux prochaines pages un résumé des principaux « éléments de succès d’une gouvernance concertée à l’appui du développement durable » que la TRNEE et le Forum des politiques publiques ont préparé. Ces éléments sont pertinents et applicables en ce qui a trait à la gouvernance participative de l’eau.

LES ÉLÉMENTS DE SUCCÈS D’UNE GOUVERNANCE CONCERTÉE À L’APPUI DU DÉVELOPPEMENT DURABLE


  1. VISER DES RÉSULTATS CLAIRS On doit axer les processus concertés sur des résultats clairs et mesurables. La collaboration dans le seul objectif de collaborer ne mène à rien. Les citoyens doivent s’engager à l’égard d’un processus qui devrait donner des résultats clairs et réels.
  2. TROUVER LES BONS RESPONSABLES Les processus concertés doivent faire appel à des responsables crédibles, neutres et dignes de confiance. Ces derniers doivent être en mesure de convoquer les acteurs intéressés et de mettre en place un processus qui permettra d’aller de l’avant. Les gouvernements sont souvent les mieux placés pour assurer ce rôle, mais pas toujours; parfois, d’autres instances sont en meilleure position pour prendre en charge les processus concertés.
  3. RÉUNIR LES BONNES PERSONNES Les processus concertés doivent réunir les acteurs concernés. Il n’est pas nécessaire d’inclure tous les intervenants possibles dans le processus; toutefois, celui-ci ne permettra pas de trouver des solutions viables à long terme si les principaux intérêts sont exclus.
  4. ASSURER UN ENGAGEMENT RÉEL Tous les participants doivent montrer un réel engagement à l’égard du processus concerté. Cela signifie que tous les participants doivent s’engager à mener le processus à terme, à mettre en œuvre les résultats et à trouver ensemble des solutions dans le cadre du processus concerté.
  5. DÉFINIR CLAIREMENT LA PORTÉE ET LES RÈGLES DU PROCESSUS La collaboration repose sur des objectifs, des règles et une portée clairement définis. Le succès repose sur des objectifs clairs : les horaires doivent être clairs afin que les discussions ne durent pas éternellement, les responsabilités et les rôles aussi, afin que les participants comprennent ce que l’on attend d’eux. On doit également énoncer clairement les règles des processus, afin que les participants puissent surveiller les actions des autres participants et éviter les conflits.
  6. FAVORISER LE PARTAGE ET LA PRISE EN CHARGE DES RESPONSABILITéS Les processus concertés doivent favoriser le partage des responsabilités du processus et des politiques qui en découlent. La collaboration signifie que les participants assument la responsabilité de résoudre leurs problèmes ensemble en tant que groupe.
  7. RENFORCER LA LÉGITIMITÉ Les initiatives concertées doivent constituer des processus légitimes et on doit les percevoir ainsi. Le succès de ces initiatives dépend de la capacité à définir deux formes de légitimité. La légitimité interne repose sur l’appel à des participants compétents et à des processus solides soutenus par des règles claires, transparentes et justes. La légitimité externe se fonde sur la reconnaissance et le soutien de la part des institutions démocratiques en place.
  8. ÉTABLIR UN DIALOGUE CONTINU Les processus concertés doivent établir un dialogue et un engagement continus. Les processus continus renforcent la confiance et permettent de tirer parti des succès passés. Ils permettent d’évaluer et de tirer continuellement parti des succès et des lacunes du passé.

Source : TRNEE. 2010b. Les progrès gràce aux processus – Réaliser un développement durable ensemble. Ottawa (Ontario).

RÉSUMÉ

La gouvernance participative de l’eau ne sera efficace que si elle mobilise une foule d’intervenants dont la participation n’est pas toujours acquise. Quant aux autres intervenants, des incitatifs doivent être offerts aux représentants des secteurs des ressources naturelles pour qu’ils continuent d’y adhérer. Ils souhaitent voir l’arrimage se faire avec d’autres processus tels que la planification de l’utilisation des terres municipales ou les plans d’aménagement forestier. Pour favoriser la participation à la gouvernance participative de l’eau, les gouvernements doivent faire preuve d’un grand leadership et donner suite aux recommandations issues du processus participatif.

La gouvernance participative de l’eau et un outil à choisir dans des situations particulières, pas une panacée à tous les défis de gouvernance de l’eau. Il faut y consacrer du temps et des ressources et les gouvernements doivent l’encadrer de règles claires. Pour en assurer la réussite, le mandat, les paramètres d’intervention et le rôle des groupes de gouvernance participative doivent être clairement définis par écrit. La gouvernance participative que de nom – sans objectifs clairs ni règles de reddition de comptes ou soutien des intervenants ou du gouvernent, dans une situation grevée de conflits et sans esprit de collaboration – pourrait empirer au lieu d’améliorer les choses. Mais pour relever les défis de gestion de l’eau dans l’avenir, il faudra songer à recourir à des processus décisionnels plus rassembleurs afin de savoir ce que sont les problèmes communs et de dégager des pistes de solution. Il faut envisager la possibilité d’employer des approches de gouvernance participative pour gérer l’eau.

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Footnote

52 Nowlan 2007

53 Gouvernement du Québec, 2002

54 Gouvernement du Alberta, 2003

55 Gouvernement du Manitoba, 2003

56 Gouvernement de la Colombie-Britannique, 2008

57 Gouvernment de la Nouvelle-écosse, 2010

58 Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, 2010

59 Nowlan, 2007

60 Bakker, 2011