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Cap sur l’eau – Chapitre 4 : Instruments de politique nouveaux pour gérer l’eau

Les instruments et les approches de politique abondent en gestion de l’eau. Cela comprend les règlements de type contraignant, la tarification de l’eau, les permis échangeables d’utilisation de l’eau, les normes et les approches volontaires telles que les programmes d’éducation et de rapport. Parmi cet éventail d’instruments de politique, la TRNEE s’est penchée sur l’utilisation potentielle de deux approches nouvelles et prometteuses – les instruments économiques (IE) et les initiatives volontaires – en tant que mécanismes d’intervention complémentaires aux politiques en vigueur au Canada. La TRNEE a examiné chaque approche pour déterminer si, et le cas échéant, comment elles peuvent faire économiser l’eau et en promouvoir la conservation dans les secteurs des ressources naturelles.

La TRNEE a mis l’accent sur les IE et les approches volontaires parce qu’ils sont considérés, tant au Canada qu’à l’étranger, comme de nouvelles approches véritablement prometteuses pour les futures stratégies de gestion de l’eau. Or, comme le révèle notre analyse, l’expérience pratique des deux types d’instruments demeure limitée. Nous avons puisé à deux études récentes sur les instruments de politique, nous avons réalisé notre propre évaluation22 et nous nous sommes inspirés des observations et des leçons tirées de l’expérience acquise au Canada et à l’étranger. Les approches de gestion de l’eau sont nombreuses et variées. À court terme, les conseils de la TRNEE ont pour but de compléter et d’améliorer les systèmes existants au cas où il faille un jour apporter des transformations plus substantielles.

Notre examen des approches stratégiques en usage dans les provinces et les territoires du Canada révèle deux choses : les pratiques actuelles de gestion de l’eau reposent sur de solides assises; et d‘intéressantes tendances à recourir aux IE et aux initiatives volontaires se manifestent depuis peu, porteuses d’espoir pour l’amélioration de la gestion de l’eau. Bien que les approches de gestion de l’eau actuelles fonctionnent bien lorsqu’abonde l’eau, les risques à plus long terme pourraient ne pas être aussi gérables compte tenu des pressions croissantes sur les ressources en eau et des restrictions éventuelles sur l’utilisation de celles-ci. Ces risques sont de deux ordres : environnementaux et économiques.

Les risques environnementaux découlent d’un manque d’information décisionnelle, que la rareté de l’eau et la concurrence magnifient lorsqu’elles s’accentuent. Le risque, au fond, est que l’insuffisance d’information entraîne une attribution excessive susceptible de nuire au milieu aquatique.

Les risques environnementaux résultent de la difficulté de répartir l’eau entre les utilisateurs. Par exemple, durant les années d’usage restreint de l’eau, les gouvernements pourraient être dans l’impossibilité de bien répartir les ressources en eau, mettant ainsi en péril l’accès à l’eau de certains utilisateurs (c.-à-d. les titulaires d’un permis d’utilisation d’eau moins prioritaire). Les systèmes actuels d’attribution de l’eau privilégient certaines catégories d’ayants droit de l’eau, ce qui rend difficile de réaffecter celle-ci à d’autres usages23.

Ces deux grands risques réduisent la souplesse des pratiques actuelles de gestion de l’eau face à l’incertitude engendrée par l’avenir. Doter le Canada de plus nombreux outils d’intervention pour- rait rendre la gestion plus résiliente et adaptable à l’évolution de l’offre et de la demande d’eau.

APPROCHES ACTUELLES EN MATIÈRE DE POLITIQUES ET DE GESTION

Les provinces et les territoires gèrent les eaux qui relèvent de leur compétence respective et déterminent les modalités d’attribution et d’utilisation de celles-ci. À l’heure actuelle, beaucoup d’approches consistent à gérer l’eau et à formuler des politiques à son égard dans l’optique de l’offre, veillant à ce qu’il y ait suffisamment d’eau pour tous les utilisateurs. Depuis une décennie, ces approches sont délaissées au profit de la gestion de la demande, sachant que l’hypothèse de réserves intarissables d’eau ne tient plus. Ce qui nous y pousse est le fait de savoir aussi, et la communauté nous en prévient, que le changement climatique aura vraisemblablement des effets sur la prévisibilité de l’approvisionnement en eau et sur la variabilité des débits presque partout au pays24.

Chaque province et territoire a les moyens juridiques et administratifs de délivrer des permis et, par conséquent, de permettre ou restreindre l’utilisation de l’eau, de percevoir des droits de permis, de facturer pour l’utilisation de l’eau (au volume), de surveiller les débits d’eau et d’exiger des rapports des utilisateurs d’eau. Les provinces et territoires ont tous une forme ou une autre de système d’octroi de permis et perçoivent tous des droits d’utilisation ou d’octroi de permis, ou les deux.

Les permis peuvent être octroyés pour de longues périodes allant jusqu’à 20, voire 50, ans, mais ils le sont en général pour 5 à 10 ans; certains permis ou licences ne sont parfois que de courte durée, par exemple d’à peine quelques semaines ou mois. Il est important de noter que la province ou le territoire conserve toujours son droit de retirer une licence ou d’en modifier les modalités s’il lui faut prendre de nouvelles mesures de conservation, imposer des exigences de débit faible, corriger des violations ou satisfaire l’intérêt public. La plupart des droits de permis ou d’utilisation semblent être perçus contre recouvrement des coûts d’administration et une partie de cet argent sert à l’entretien et à l’amélioration des réseaux d’alimentation en eau et d’égouts des municipalités. Cela soulève un point clé : les droits sont très bas et ne reflètent ni le plein coût ni la pleine valeur de l’eau.

Les régimes d’octroi de permis et les droits d’usage varient considérablement à travers le pays et d’un secteur à l’autre. Cette variabilité est à prévoir compte tenu du nombre d’autorités provinciales, de la myriade de besoins en eau, de l’éventail des coûts d’infrastructure et d’une gamme d’autres facteurs liés à la prestation de services d’eau à différents endroits au pays. Tarifs fixes, tarifs forfaitaires et tarifs croissants par blocs, voilà autant de variantes des régimes de tarification. Le tarif fixe ne change pas avec le volume, alors que le tarif forfaitaire est facturé à l’unité volumétrique, qu’importe le volume consommé. Dans le cas du tarif croissant par blocs, les seuils des blocs diffèrent également selon l’endroit au pays et le secteur. De nombreux endroits n’ont pas encore fixé de tarifs volumétriques. Le tarif croissant par blocs est plus répandu chez les grands utilisateurs devant acquitter des tarifs volumétriques plus élevés, comme ceux des secteurs des mines et de l’énergie.

INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES DE GESTION DE L’EAU

Les instruments économiques (IE) sont des instruments qui reposent sur les mécanismes du marché et qui fixent le prix de l’eau ou en modifient le coût pour amener ses utilisateurs à se comporter autrement. Dans le cas de l’eau, ce changement de comportement se voit dans la quantité d’eau utilisée ou dans la qualité de l’eau restituée à l’environnement après usage. Les IE peuvent prendre plusieurs formes : nous avons concentré nos recherches sur les redevances d’eau volumétriques et sur les permis échangeables d’utilisation d’eau servant à gérer les quantités d’eau.

En théorie, il est avantageux à quatre égards d’utiliser les IE pour gérer la quantité d’eau utilisée :

  • Ils incitent à changer de comportement.
  • Ils génèrent des revenus pour le financement d’initiatives environnementales.
  • Ils favorisent l’innovation technologique.
  • Ils réduisent au minimum le coût du gaspillage d’eau pour la société.

Les IE cherchent à capitaliser sur l’intérêt économique des individus, des sociétés ou des collectivités à protéger les écosystèmes et les services qu’ils fournissent. Dans le cas de l’eau, les IE visent à corriger les échecs du marché, aussi appelés effets externes, qui se produisent lorsque les effets de l’activité humaine sur l’eau créent des coûts que ne traduisent pas les prix du marché. Les IE sont ainsi conçus de façon à rendre mieux compte de la valeur sociale de l’environnement aux prix du marché. Autrement dit, les coûts de renonciation (à de futurs usages) environnementaux et sociaux peuvent être intégrés aux prix de l’eau, ce qui transmet ensuite aux utilisateurs ou aux consommateurs le message de réduire le mauvais usage des ressources en eau ou leur gaspillage. Des IE bien conçus peuvent encourager l’innovation à moindre coût que ne le peuvent à elles seules les approches contraignantes ou les mesures volontaires. Les IE ont le potentiel d’être plus efficaces que les approches contraignantes traditionnelles puisqu’elles donnent aux utilisateurs davantage de liberté pour atteindre leurs objectifs environnementaux.

Les mécanismes d’attribution de l’eau en usage au Canada ne favorisent pas beaucoup la conservation et n’offrent que peu de marge de manœuvre pour réaffecter l’eau à de meilleurs usages. Ces régimes d’attribution se fondent en droit sur l’histoire et des garanties juridiques complexes. Il est donc peu réaliste de penser que les mécanismes d’attribution subiront à court terme des changements importants. Mais les IE dont il est question dans le présent rapport peuvent être intégrés à certains systèmes de gestion en vigueur au pays, ce qui devrait toutefois se faire avec prudence compte tenu des répercussions que cela pourrait avoir sur les secteurs et l’économie.

REDEVANCES D’EAU

Les redevances d’eau peuvent favoriser l’économie d’eau et l’équité parce qu’elles incitent les utilisateurs à assumer les coûts de leurs actions. Fixer un prix adéquat permet de réaliser d’autres objectifs environnementaux. Par exemple, s’il leur coûte plus cher d’utiliser l’eau, les entreprises en réduiront leur utilisation et chercheront des solutions de rechange. Bref, les redevances d’eau ont un effet sur les coûts, et les entreprises et les consommateurs ajusteront leur utilisation de l’eau à la variation des prix. Bien entendu, les entreprises ne pourront pas toutes changer de comportement et certains secteurs pourraient ne pas avoir la latitude voulue pour prélever moins d’eau. Dans le même ordre d’idées, certains secteurs refileraient probablement la note aux consommateurs, stoppant encore là toute réduction du prélèvement d’eau. Le cas échéant, les gouvernements percevront les redevances d’eau applicables. Ces redevances devraient être conçues de façon à n’avoir aucune incidence sur les recettes, celles-ci servant à réduire d’autres taxes ou à financer des subventions ou des initiatives favorisant l’atteinte des objectifs de conservation et d’économie des ressources en eau.

Historiquement, les redevances ou frais d’utilisation d’eau sont largement associés au coût d’approvisionnement en eau, c’est-à-dire à la construction et à l’entretien de l’infrastructure nécessaire pour traiter et livrer l’eau aux utilisateurs. Dans le contexte du présent rapport, nous explorons le recours possible à des redevances d’eau selon le volume, ce qui équivaut dans les faits à payer pour l’eau elle-même. Au Canada, cela s’est rarement fait et encore, de façon très limitée (voir l’encadré « Tarification volumétrique de l’eau au Québec »).


TARIFICATION VOLUMÉTRIQUE DE L’EAU AU QUÉBEC


Le Règlement sur la redevance exigible sur l’utilisation de l’eau du Québec est entré en vigueur le 1er janvier 201125. La redevance payable pour l’utilisation de l’eau s’applique à toutes les industries qui prélèvent ou qui utilisent 75 m3 ou plus d’eau par jour, que cette eau soit prélevée directement à même l’eau de surface ou souterraine ou qu’elle provienne d’un système de distribution. Un taux initial de 70 $ par million de litres d’eau (ou 0,07 $ par m3) prélevée a été fixé pour les industries des catégories suivantes : production d’eau en bouteille, fabrication de jus et boissons, fabrication de produits minéraux non métalliques, fabrication de produits agricoles (pesticides et engrais), fabrication de produits chimiques inorganiques, et extraction de pétrole et de gaz. Un taux moindre de 2,50 $ par million de litres d’eau (0,0025 $ par m³) a été fixé pour tous les autres secteurs ciblés. Les sommes ainsi perçues seront versées au Fonds vert afin d’aider le gouvernement à s’acquitter d’un certain nombre d’engagements dans les domaines de la gestion intégrée des ressources en eau et de l’acquisition de connaissances.

L’une des grandes difficultés que posent les redevances d’eau est de trouver le juste prix : suffisamment élevé pour réaliser l’objectif environnemental voulu, mais pas trop pour éviter de provoquer d’épineux problèmes de concurrence pour les entreprises ou les secteurs industriels. En outre, l’acceptabilité politique des redevances d’eau en freine largement l’adoption. Mais l’opinion publique semble bouger sur la question, comme l’indique un sondage que la Canada West Foundation a réalisé récemment et qui semble démontrer que les Canadiens de l’Ouest sont en faveur d’une redevance d’eau permettant d’atteindre des objectifs de conservation, qu’elle soit payée par les simples citoyens ou par les utilisateurs industriels26.

L’ensemble des provinces et territoires délivrent des permis et perçoivent des frais de location. Cela prépare solidement le terrain pour le passage d’une structure tarifaire à vocation financière (incitant toutefois peu à conserver l’eau) à une structure plus incitative signalant par la perception de redevances d’eau que celle-ci est précieuse et devrait être conservée volontairement. Il est possible d’améliorer continuellement les systèmes de gestion établis en établissant des systèmes de tarification au volume ou, dans le cas d’une tarification existante, en augmentant le prix afin réaliser des objectifs environnementaux et économiques.

PERMIS ÉCHANGEABLES D’UTILISATION D’EAU

L’échange de permis d’utilisation d’eau permet essentiellement de réaffecter de manière permanente ou temporaire des quantités d’eau de titulaires de permis qui ont trop d’eau à des titulaires de permis qui n’en ont pas assez. Les systèmes de gestion qui permettent l’échange de permis d’utilisation d’eau ou l’attribution de ressources en eau procurent en pratique des avantages, au demeurant variables, sur le plan tant environnemental qu’économique. Au Canada, l’échange de permis d’utilisation d’eau se pratique en Alberta à très petite échelle. Ailleurs dans le monde, l’Australie, l’Ouest des états-Unis, le Chili et l’Espagne ont tous instauré des régimes d’échange de permis d’utilisation d’eau avec divers degrés de succès27. Il est juste de dire que les échanges ont eu lieu pour l’essentiel lors de situations d’extrême sécheresse interdisant toute attribution d’eau.

Les régimes d’échange consistent à fixer des quantités en plafonnant les prélèvements, et les entreprises ajustent les prix (ou les établissent) en conséquence. Les entreprises qui parviennent à utiliser moins d’eau en dépassant leurs objectifs améliorent la santé du milieu naturel et y gagnent financièrement en vendant des crédits excédentaires à des entreprises qui en ont besoin. Le système a également ceci d’avantageux qu’il permet aux entreprises de choisir la technologie et d’ainsi personnaliser à bon coût leurs propres solutions en fonction de leur échéancier. Toutefois, il est important de reconnaître la perception ou la préoccupation voulant que l’échange de permis d’utilisation d’eau puisse faire monter les prix ou permettre aux promoteurs industriels de s’approprier une grande partie des allocations d’eau28.L’expérience d’un tel régime d’échange étant très limitée au Canada, d’aucuns invitent à l’instaurer avec prudence lorsque viendra le temps29, 30.

L’échange de droits d’utilisation d’eau à l’intérieur d’un bassin versant représente un tournant fondamental dans l’évolution des systèmes de gestion de l’eau et, de ce fait, un véritable défi. Dans les circonstances, les organismes de réglementation du domaine doivent se transformer en concepteurs et en applicateurs de règles du marché sans perdre de vue leur objectif de gérer les contraintes d’approvisionnement en eau. Les cadres juridiques, institutionnels et administratifs existants doivent être évalués et réorientés pour en détacher les droits historiques ou de riverain d’utilisation de l’eau afin de pouvoir les redistribuer par voie d’échanges commerciaux. Enfin, les obstacles politiques peuvent être de taille et motivés par des craintes au sujet de la privation de droits de longue date, de la marchandisation de l’eau et de la concentration des droits d’utilisation d’eau. Vraies ou perçus, ces inquiétudes peuvent entraver la mise en œuvre d’un régime d’échange.

Les marchés de l’eau d’autres pays ont connu des succès comme des échecs. Au Canada, les experts de l’eau disent qu’il nous faut, avant de nous engager dans cette voie, poursuivre le dialogue pour mieux comprendre le niveau d’acceptation et les conséquences possibles de l’échange de permis d’utilisation d’eau et se doter de mécanismes institutionnels et juridiques de protection31,32.

INITIATIVES VOLONTAIRES

Des initiatives de toutes sortes sont nées de la nécessité de répondre à différents besoins et d’assurer un éventail de fonctions : codes de conduite, codes de pratique, lignes directrices, normes, régimes ou programmes de certification ainsi qu’ententes non régies par des règlements. De nombreux facteurs externes ou internes peuvent présider au lancement et à l’élaboration d’initiatives ou de programmes volontaires, par exemple :

  • Répondre aux attentes ou aux exigences du marché et des clients (y compris celles dictées par les consommateurs ou les organisations non gouvernementales);
  • Continuer à jouir de la légitimité sociale d’exercer ses activités et du soutien de la collectivité;
  • Offrir une solution de rechange à la réglementation gouvernementale;
  • Permettre de gérer à l’interne et d’améliorer le rendement;
  • Rendre des comptes au public;
  • Combler des lacunes dans les connaissances.

Les initiatives volontaires en matière d’utilisation de l’eau permettront sans doute d’économiser et de conserver l’eau davantage, mais leur degré d’influence demeure incertain puisqu’il est difficile de prévoir à quel point les secteurs des ressources naturelles y adhéreront au Canada. L’expérience de programmes similaires montre toutefois qu’il est possible d’améliorer le rendement par des initiatives volontaires*.

* Par exemple, le programme Gestion responsable de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie a permis de réduire encore plus les émissions de produits chimiques toxiques.

Les initiatives volontaires naissent du souci commun des organisations participantes d’obtenir un résultat souhaité. Elles ont pour but d’influencer, de façonner, de contrôler ou de baliser le rendement interne, la compréhension et la perception des intervenants externes ou, encore, le comportement des clients et des consommateurs sur le marché. Par définition, les initiatives volontaires sont facultatives, étant censées encourager l’adoption d’un comportement responsable respectueux des besoins tant des entreprises que de la société en général. Certaines sont toutefois assorties de conditions de participation, comme celle d’être membre d’une association de l’industrie ou de faire certifier un produit ou une pratique. Les initiatives volontaires peuvent aussi établir des normes ou des repères de rendement industriel de facto pouvant être reconnus par les organismes de réglementation ou les tribunaux.

Des initiatives volontaires ont vu le jour dans un éventail d’industries et pour une multitude de produits et services afin de répondre à un éventail de besoins environnementaux, sociaux et économiques. Bien qu’elles puissent être de nature très diverse, elles sont souvent utilisées pour promouvoir la divulgation publique ou pour améliorer ou normaliser les pratiques de gestion et le rendement. Elles peuvent aussi obtenir une reconnaissance réglementaire.

CATÉGORISATION ET POTENTIEL DES INITIATIVES VOLONTAIRES

En faisant le tour des initiatives volontaires visant à faire économiser et à conserver l’eau, la TRNEE a recensé une gamme de mesures ou de programmes de gestion de l’eau qu’elle définit ici selon leur but. De plus, nous abordons brièvement le rôle que ces initiatives volontaires pourraient jouer à l’avenir sur le plan des politiques de manière à favoriser l’utilisation efficace et la conservation de l’eau et la place qu’elles pourraient occuper dans un ensemble d’instruments de politique en gestion de l’eau.

INITIATIVES DE RENDEMENT PRISES PAR L’INDUSTRIE

Ces initiatives sont souvent lancées et dirigées par des entreprises ou des associations d’un seul secteur pour démontrer ou améliorer leur performance dans des dossiers névralgiques. Les associations industrielles mettent souvent sur pied ces programmes afin de conserver la légitimité sociale d’exercer leurs activités, d’offrir une solution de rechange à la réglementation ou de répondre aux exigences du marché. Les programmes menés par l’industrie n’ont pas tous le même degré de rigueur et peuvent comprendre une variété d’éléments tels que des principes directeurs, des lignes directrices sur les pratiques de gestion, des normes de rendement, des exigences et des indicateurs de rapport ainsi que des mécanismes de reddition de comptes. Parmi ce genre d’initiatives figurent, par exemple, l’Oil Sands Leadership Initiative, le Global Social Compliance Program et les outils de gestion de l’eau conçus par le Conseil International des Mines et Métaux.

Des initiatives de rendement et de pratique prises par l’industrie qui sont bien conçues et mises en œuvre pourraient aider un secteur ou un groupe d’entreprises à réaliser des économies d’eau et à mieux conserver la ressource. Leur réussite dépend notamment des facteurs clés suivants :

  • L’initiative est un critère d’adhésion à l’association industrielle, ou la pression exercée par les pairs de l’industrie en assure l’acceptation.
  • Il y a des motifs clairs d’améliorer la gestion de l’eau, comme obtenir l’aval de la population pour exercer ses activités, répondre à la pression plus générale des intervenants, la demande et la reconnaissance du marché ou des consommateurs d’une meilleure gestion, et l’allégement de la réglementation ou l’adoption de règlements davantage habilitants.
  • L’initiative porte sur la réalisation d’économies d’eau et la conservation des ressources en eau par l’application d’une norme cohérente. Par exemple, l’utilisation des mêmes indicateurs de rendement d’une année à l’autre permet de surveiller le rendement au fil du temps.
  • Le secteur surveille, analyse, balise et cible déjà activement ce qu’il faut améliorer.
  • Il y a déjà des mécanismes de reddition de comptes. Le secteur fait rapport de ses activités tant à l’interne auprès des entreprises participantes qu’à l’externe auprès du grand public, et ce, à l’échelle de l’entreprise ou de l’installation.

PROGRAMMES DE NORMALISATION ET DE CERTIFICATION

Les initiatives de normalisation et de certification peuvent être dirigées par des associations industrielles, des organismes multilatéraux ou des tiers externes. Ces initiatives ont habituel-lement pour but d’améliorer les pratiques de gestion environnementale et sociale et le rendement, de promouvoir la notoriété ou la reconnaissance de la marque ou du produit ou de faire la démonstration d’une norme de rendement et pratique de gestion au marché. Mais au contraire des initiatives de rendement et de pratique prises par l’industrie, elles sont habituellement pilotées par plus d’un intéressé, comme l’industrie et un gouvernement ou l’industrie et des organisations non gouvernementales. Il peut s’agir d’initiatives tournées vers le marché, comme des programmes de certification de produits ou d’utilisation responsable, ou tournées vers l’intérieur afin de promouvoir le développement de systèmes de gestion efficaces. Elles peuvent aussi être propres à un secteur (p. ex. la GLOBAL G.A.P. dans le secteur agricole) ou applicables à une vaste gamme de secteurs ou d’entreprises (p. ex. l’Alliance for Water Stewardship et ISO 14046).

Les normes et les certifications peuvent aider à créer les conditions et la capacité nécessaires pour améliorer le rendement. Dans le secteur forestier, par exemple, le Forestry Stewardship Council (FSC) et le système de certification de la gestion durable des forêts de l’Association canadienne de normalisation ont aidé à l’amélioration des pratiques de gestion durable des forêts, ce qui a permis aux entreprises de se tailler une excellente réputation sur les marchés et d’y récolter les fruits de leur labeur.

L’efficacité de la contribution des programmes de normalisation et de certification à la réalisation d’économies d’eau et à la conservation de l’eau dépend en bonne partie de la présence de raisons claires d’y adhérer, par exemple : la nécessité d’améliorer les relations avec les intervenants ou la collectivité pour conserver la légitimité sociale d’exercer ses activités; ou l’exercice de fortes pressions du marché pour répondre aux attentes des consommateurs. La conception et la rigueur de ces programmes sont également des facteurs incontournables d’amélioration du rendement. Comme la plupart des programmes de normalisation et de certification liés à l’eau en sont au stade du développement, il est trop tôt pour avancer des hypothèses quant à leur rôle futur dans le contexte canadien.

INITIATIVES INTERNATIONALES DE COMMUNICATION DE RAPPORTS

Les initiatives internationales de communication de rapports sont souvent lancées par des organismes non industriels pour encourager les entreprises à faire preuve de transparence envers les intervenants et à leur rendre des comptes sur de grands enjeux du monde des affaires. Ces initiatives favorisent l’adoption de pratiques et d’approches normalisées et sont souvent issues de processus multilatéraux. L’utilisation d’initiatives internationales de communication de rapports peut améliorer l’accès du public à l’information et pourrait inciter les entreprises à améliorer leur rendement avec le temps. En sont des exemples la Global Reporting Initiative, le Carbon Disclosure Project – Water Disclosure et le Stewardship Index for Specialty Crops.

Les initiatives internationales de communication de rapports aident à focaliser l’attention sur les questions matérielles, y compris l’eau, et à inciter les entreprises à les inscrire à leurs priorités et à s’en occuper. En sensibilisant tant les entreprises que les intervenants aux questions relatives à l’eau et en favorisant l’élaboration de processus de gestion de l’eau, les initiatives internationales de communication de rapports pourraient amener à davantage économiser l’eau et à la conserver. Mais la qualité des données et l’intérêt des intervenants doivent être suffisamment présents pour que les initiatives de communication de rapports améliorent le rendement. Ces initiatives peuvent aussi être une source importante d’information pour les décideurs, car les bases de données et de connaissances des pays sont souvent limitées et insuffisantes.

INITIATIVES DE COMPTABILITÉ ET DE GESTION

Ces initiatives sont souvent conçues par des partenariats de l’industrie ou dans le cadre de collaborations entre l’industrie et d’autres parties intéressées telles que des ONG ou des organisations professionnelles. Elles ont pour but d’élaborer des approches et des pratiques normalisées pour combler des manques de connaissances et d’encadrement. Les entreprises des secteurs des ressources naturelles participent à ces initiatives afin d’améliorer leurs pratiques de gestion en recensant leurs risques et faiblesses et de montrer qu’elles sont socialement responsables en mettant les intervenants au courant de leurs participation et de leurs résultats. Citons en exemple de telles initiatives le WBCSD Global Water Tool, le Collecting the Drops: A Water Sustainability Planner Tool de la Global Environmental Management Initiative GEMI et la Sustainability Agricultural Initiative Platform.

À l’instar des initiatives de l’industrie et des initiatives de communication de rapports, les initiatives de comptabilité et de gestion peuvent certainement aider les entreprises ou les producteurs à réaliser des économies d’eau et à mieux conserver l’eau. La capacité de mesurer l’utilisation de l’eau et son impact est souvent révélateur d’une bonne gestion de la ressource.

RÉSUMÉ

Élargir l’utilisation des IE aux régions où l’utilisation de l’eau est ou risque d’être restreinte pourrait être utile pour aller chercher des résultats tant environnementaux qu’économiques. Comme le montre le prochain chapitre, la tarification de l’eau peut inciter les industries à prélever moins d’eau. Cependant, notre étude des IE corrobore et renforce ce que d’autres ont observé avant nous : qu’il faut étudier soigneusement une à une les options de tarification de l’eau avant de les mettre en œuvre dans un bassin versant33,34. Avant d’appliquer des redevances d’eau ou d’instaurer l’échange de permis d’utilisation d’eau, il serait souhaitable d’en faire une solide évaluation pour en comprendre les tenants et les aboutissants sur les plans de l’environnement, de l’économie, de l’équité, de l’administration et de la gouvernance*.

En ce qui a trait aux initiatives volontaires, la pensée traditionnelle veut que les approches les plus efficaces soient celles qui s’accompagnent d’autres formes de règlements. Les règlements servent de gages de respect des exigences de gestion ou de rendement, en particulier en veillant à ce que les entreprises qui ne participent pas aux initiatives volontaires respectent une norme minimale. Les initiatives volontaires sont conçues pour aller au-delà du simple respect des exigences. Des initiatives volontaires qui fonctionnent bien dans le cadre d’un programme robuste et d’un plan de mise en œuvre solide et que les entreprises s’approprient véritablement peuvent aider celles-ci à donner un meilleur rendement. De plus, les initiatives volontaires peuvent inciter un secteur à élever ses normes en l’éclairant sur le contenu des règlements, soit par leur reconnaissance réglementaire formelle – du fait d’être mentionnées dans les règlements –, soit en servant de base pour récompenser un bon comportement. Ne sachant pas vraiment si les initiatives volontaires permettront de réaliser des économies d’eau ou de mieuxconserver l’eau, leur valeur pourrait bien résider, à ce moment-ci, dans les avantages secondaires associés à leur adoption. Cela comprend la sensibilisation des entreprises et des intervenants aux enjeux de l’eau et l’accroissement de la capacité des entreprises de gérer l’utilisation de l’eau et ses impacts.

Avec le temps, de telles initiatives peuvent rendre l’utilisation de l’eau plus efficace et en améliorer la conservation dans les secteurs des ressources naturelles de même qu’aider à concevoir et à mettre en œuvre des instruments de politique économiques et réglementaires complémentaires.

* Dans le cadre de ses recherches, la TRNEE a fait une telle analyse à l’échelle nationale pour les secteurs des ressources naturelles, ce qui lui a donné un aperçu général de la situation. Des études de cas par secteur devraient toutefois être menées, comme celles d’Adamowicz (2007) sur les sables bitumineux.

______________

Footnote

22 Gardner Pinfold, 2011

23 de Loë, 2007

24 Sauchyn, 2008

25 Gouvernement du Québec, 2010

26 Canada West Foundation, 2011

27 Gardner Pinfold, 2011

28 Janmaat, 2010

29 Brandes, 2009

30 Econnics, 2011

31 Brandes, 2009

32 Cantin, 2006

33 Brandes, 2009

34 Cantin, 2006