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Cap sur l’eau – Chapitre 6 : Données, information et connaissances sur la quantité d’eau

Pour élaborer de bonnes politiques et prendre de solides décisions de gestion, il faut s’appuyer sur des faits et de l’information crédibles. Cette information provient de données, qui, compte tenu de la quantité d’eau au Canada, ne sont pas aussi complètes ou facilement accessibles qu’elles le devraient. Pour mettre concrètement en œuvre des politiques de l’eau et des stratégies de gestion de l’eau, nous devons améliorer notre connaissance tant de l’offre que de la demande d’eau. Face à la concurrence de plus en plus vive que suscitent les ressources en eau, les gouvernements doivent avoir de meilleures données, et ce, non seulement pour prendre aujourd’hui de judicieuses décisions d’attribution, mais également pour veiller à ce qu’il y ait suffisamment d’eau dans l’avenir. Il est impératif d’avoir des données précises, complètes et actuelles sur la quantité d’eau pour établir des systèmes de gestion de l’eau permettant d’attribuer et d’utiliser efficacement la ressource.

Plus précisément, de meilleurs systèmes de données et d’information sur l’eau peuvent :

  • améliorer la prise de décisions au sujet de l’attribution de l’eau, surtout dans les régions où l’eau est peu abondante ou fait l’objet de restrictions, réduisant ainsi tant les risques environnementaux qu’économiques;
  • permettre aux gouvernements d’intervenir stratégiquement à l’aide d’instruments économiques afin d’atteindre plus efficacement leurs objectifs de conservation et d’économie de l’eau;
  • favoriser la tenue d’un dialogue plus informé avec le public au sujet des décisions d’utilisation de l’eau de façon à obtenir l’aval de la population d’exercer les activités visées.

Améliorer les données et l’information ne consiste pas qu’à recueillir de meilleures données. Il est tout aussi important de communiquer cette information avec clarté et de l’utiliser judicieusement lorsqu’on décide.

La conservation et l’économie de l’eau sont des objectifs de politique et de gestion incontournables des stratégies des provinces et des territoires en matière d’eau. Pour atteindre ces objectifs, les systèmes actuels de données sur la quantité d’eau doivent être améliorés. Le Canada se sert de systèmes désuets et disparates pour recueillir et mesurer de telles données et transmettre ces mesures et pour communiquer les quantités d’eau observées. Ces systèmes de données peuvent être construits en mode autonome à l’intérieur de leurs propres silos verticaux; nous estimons toutefois qu’une approche plus efficace serait d’évaluer ces concepts dans une perspective horizontale puisque leur interconnectivité contribuera immensément au succès des futurs réseaux de données sur la quantité d’eau. À l’intérieur du seul gouvernement fédéral, 20 ministères et organismes s’occupent d’une façon ou d’une autre de la gestion de l’eau douce. La collecte et la surveillance des données devront se faire de façon mieux coordonnée et concertée pour bien établir et utiliser les mêmes mécanismes de mesure et pratiques de rapport. Cela pourrait à son tour permettre d’obtenir des données et des analyses intégrées favorisant la communication transparente des données et de l’information sur l’eau. Gérer efficacement les données sur la quantité d’eau se traduira par la prise de décisions judicieuses et intégrées sur les questions stratégiques de gestion de l’eau dans un éventail de services municipaux et de ministères provinciaux et fédéraux36.

Les recherches de la TRNEE sur les données et l’information relatives à la quantité d’eau visent à mieux comprendre les deux composantes fondamentales de l’utilisation de l’eau par les secteurs des ressources naturelles : l’offre et la demande. Pour les besoins du présent rapport, les données sur la quantité d’eau offerte (données sur l’offre) mesurent les niveaux et les débits des étendues d’eau de surface au Canada. Les données sur la quantité d’eau demandée (données sur la demande) mesurent les prélèvements d’eau qu’effectuent les secteurs des ressources naturelles pour subvenir à leurs besoins opérationnels. Les données sur l’offre et la demande d’eau sont indépendantes de nature et peuvent, de ce fait, être recueillies, coordonnées et gérées séparément les unes des autres. Mais les décideurs qui possèdent une combinaison de données sur l’offre et la demande ont du coup une compréhension plus complète, éclairée et intégrée des bilans hydriques. Cela leur permet de déterminer l’état quantitatif et les tendances à long terme des ressources en eau douce, et ce, à de multiples niveaux : au plan local à l’échelle du bassin versant, au plan régional à l’échelle provinciale, territoriale ou interprovinciale et au plan national.

Pour mieux comprendre les systèmes de données sur la quantité d’eau actuellement en usage au pays, la TRNEE s’est intéressée aux systèmes existants afin de recommander des moyens de les améliorer. Nous réfléchissons dans le présent chapitre aux prochaines mesures à prendre pour renforcer et pour intégrer les systèmes de données sur la quantité d’eau afin qu’ils répondent aux besoins des différents groupes d’utilisateurs finaux. Cela comprend les ministères et organismes fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les chercheurs et les universitaires, les secteurs des ressources naturelles, les organismes environnementaux et non gouvernementaux ainsi que les autorités responsables des bassins versants. Les recherches que nous avons réalisées sur les données relatives à la quantité d’eau ont été alimentées par une série de réunions que nous avons tenues avec des experts et des gestionnaires de l’eau des quatre coins du pays et par une nouvelle étude que nous avons fait faire37.

Le présent rapport s’en tient aux ressources en eau douce de surface, les ressources en eau souterraine étant de ce fait exclues de la composante de l’offre d’eau; l’importance cruciale de l’eau souterraine dans de nombreuses régions du pays ne nous échappe cependant pas. Ajoutons toutefois qu’il n’y a pour ainsi dire pas de données et d’information, pourtant nécessaires à la gestion durable de nos ressources en eau, sur les réserves d’eau souterraine38.

L’IMPORTANCE D’ÉVALUER DES DONNÉES SUR LA QUANTITÉ D’EAU

Tout au long du présent rapport, nous insistons sur l’importance pour les secteurs des ressources naturelles d’avoir accès à des réserves durables d’eau propre puisqu’ils en dépendent. Des problèmes de manque d’eau dans les régions commencent à se manifester en raison d’une combinaison de facteurs tels que le développement économique, la croissance de la population et le changement climatique. Puisque nous projetons aussi loin qu’en l’an 2030, nous devons nous doter de meilleures capacités de prévision qui nous permettront de mieux savoir d’où pourraient surgir les pressions sur l’eau dans les régions. Bien que nos prévisions relatives à l’eau montrent que le prélèvement d’eau augmentera modestement à l’échelle nationale, nous constatons que ce résultat masque sans doute le fait que des augmentations potentiellement substantielles se produiront à l’échelle régionale et du bassin versant. Par conséquent, les décideurs ont besoin de données adéquates sur la quantité d’eau pour mieux prévoir tout accroissement de la pression sur les ressources en eau. Dans les régions où les risques de manquer d’eau commencent à se manifester, les gouvernements pourraient avoir recours à des instruments économiques tels que la tarification de l’eau pour économiser l’eau et en réduire le prélèvement. Dans les circonstances, des données plus précises et plus fiables seront nécessaires avant de pouvoir appliquer de telles mesures.

Au Canada, la répartition constitutionnelle des pouvoirs est telle que la gestion des eaux douces à la fois de compétence fédérale, provinciale et territoriale*. Les champs de compétence fédérale sont les pêches, la navigation, les eaux transfrontalières avec les états-Unis et les terres fédérales. Il s’ensuit que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces et les territoires, a de tout temps participé à l’établissement de systèmes de données qui mesurent les débits et les niveaux d’eau de toutes les grandes étendues d’eau de surface au pays. Les gouvernements ont ainsi pu établir un système national cohérent et robuste de surveillance des réserves d’eau par l’entremise de Relevés hydrologiques du Canada.

Au bout du compte, les provinces et les territoires ont compétence à l’intérieur de leurs frontières sur tous les aspects de l’approvisionnement en eau et de l’utilisation de l’eau en lien avec la lutte contre la pollution, le développement énergétique, l’irrigation ainsi que le développement industriel et économique39. Ils ont le plein contrôle de l’attribution de l’eau, des licences et permis d’utilisation et des exigences de déclaration de tout usage que les secteurs des ressources naturelles font de la ressource. Chaque province et territoire jouit du pouvoir d’établir à l’intérieur de ses frontières ses propres systèmes de données sur la quantité d’eau. Comme nous le démontrerons dans le présent chapitre, les systèmes de données sur la demande actuellement en vigueur sont inégaux et à divers stades de développement d’une province et d’un territoire à l’autre.

* La TRNEE reconnaît que les administrations municipales ont un rôle important à jouer dans la gestion de l’eau douce, mais la présente étude étant de portée limitée, l’accent est mis sur les gouvernements provinciaux et sur le gouvernement fédéral.

DONNÉES SUR L’OFFRE D’EAU

Comme on l’a déjà fait remarquer, la gestion des ressources en eau relève actuellement de la compétence partagée des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Le gouvernement fédéral collabore avec les provinces à la mise sur pied d’un système de mesure et de comptabilisation des réserves d’eau de surface. Par l’entremise du Programme hydrométrique national (PHN), il surveille la quantité des ressources en eau de surface à plus de 2 500 endroits au pays. Le PHN fonctionne sans interruption depuis 1908 sous les auspices de Relevés hydrologiques du Canada. Il recueille, interprète et diffuse des données et de l’information sur la quantité des eaux de surface. Il s’agit de la source de données sur l’approvisionnement en eau vers laquelle les gestionnaires de l’eau et les institutions canadiennes se tournent en premier pour prendre des décisions de gestion des eaux40. Le PHN a réussi par des ententes officielles de surveillance à bien délimiter les responsabilités en la matière afin de satisfaire aux exigences de surveillance des eaux internationales, provinciales et territoriales limitrophes. Environnement Canada, en sa qualité de ministère fédéral responsable, a conclu des accords de partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux de même qu’avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), dans le cas des territoires, pour la tenue d’activités de surveillance.

Selon un récent rapport du Commissaire à l’environnement et du développement durable (CEDD)41, le PHN a reçu 20,9 millions de dollars en fonds fédéraux. De 2006-2007 à 2009- 2010, le budget du PHN s’est accru de plus de 50 %, des sommes qui ont servi à investir davantage dans les technologies de surveillance. Gràce aux divers programmes de partage des coûts avec les gouvernements provinciaux, les ministères fédéraux et le secteur privé, le PHN a réuni 13,9 millions de dollars de plus, ce qui lui a permis d’investir au total près de 45 millions de dollars en 2009-2010. Le PHN a réussi plutôt bien à comptabiliser les réserves d’eau dans les provinces et les territoires, mais il en va autrement pour les terres fédérales telles que les réserves des Premières Nations, les parcs nationaux, les réserves nationales de faune et les bases des Forces canadiennes, qu’on ne peut surveiller, faute de moyens.

Le rapport du CEDD dit également que le PHN n’a pas de plan stratégique à long terme pour se doter de nouveaux mécanismes de surveillance des eaux de surface qui lui permettraient de déterminer, d’évaluer et de surveiller les risques futurs pour l’approvisionnement en eau. Il manque aussi au PHN la vision à long terme requise pour établir les nouvelles stations de surveillance, formuler les stratégies de surveillance à long terme et fixer les priorités qui lui permettraient de composer avec des menaces à la quantité d’eau telles que le changement climatique. Le PHN doit absolument adopter une approche stratégique s’il veut se donner de nouveaux moyens de surveillance dans les régions à risque accru d’avoir moins d’eau. Toutefois, les contraintes financières auxquelles tous les ordres de gouvernement font face limitent leur capacité d’entreprendre des initiatives de surveillance.

La qualité et la fiabilité d’utilisation des données et de l’information sur la quantité d’eau sont fonction des mécanismes d’assurance et de contrôle de la qualité des données. L’utilisation de données peu fiables sur l’approvisionnement en eau peut amener à prendre de mauvaises décisions d’exploitation des ressources naturelles et d’attribution de l’eau. Il est important de faire valider les données afin d’en déterminer l’exactitude avant de les diffuser. Le PHN a établi avec succès des protocoles nationaux d’assurance de la qualité pour faire valider ses données avant de les diffuser par l’entremise d’une banque de données nationale centralisée appelée HYDAT. Le PHN a également élaboré des critères d’uniformité et de vérification pour veiller à ce que la collecte de donnée par les provinces et le secteur privé se fasse dans le respect de normes nationales42. Gràce à la maturité des systèmes de données sur la demande au Canada, notre connaissance des eaux de surface est très fiable.

Il est important que les données produites dans le cadre du PHN répondent aux besoins des utilisateurs finals des données. Le PHN a convoqué une réunion de la Table nationale des administrateurs en collaboration avec les partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux afin de discuter du dossier de la comptabilisation des eaux de surface. Le PHN dispose aussi d’un processus pour évaluer les besoins de ses clients et déterminer ce qui lui manque. Mais dans la pratique, le PHN n’a pas eu recours à ses propres processus et forums pour déterminer ses besoins futurs; il n’a pas de plan pour combler d’éventuelles lacunes43. Ainsi, même si le PHN est bien placé pour fournir aujourd’hui des données sur l’offre d’eau, il ne l’est pas pour faire face aux risques futurs de gestion de l’eau, faute de planification stratégique.

DONNÉES SUR LA DEMANDE D’EAU

Il n’y a pas d’adéquation entre l’exploitation des eaux de surface et la mise en valeur des ressources naturelles au Canada. Dans les régions ou l’exploitation des ressources naturelles demande beaucoup d’eau, il se pourrait qu’on doive un jour limiter l’approvisionnement en eau, surtout si les ressources en eau y font l’objet d’une rivalité croissante44. Les données concernant la demande d’eau jouent dorénavant un rôle important dans l’évaluation en profondeur de la situation future de l’eau dans certaines régions. Dans les circonstances, il est important pour les gestionnaires de l’eau d’avoir des données fiables sur la demande d’eau actuelle avant d’approuver toute nouvelle allocation d’eau et d’accentuer la pression sur les ressources en eau.

Il n’y a pas dans le cas de la demande comme dans celui de l’offre de base administrative solide sous-tendant les données. D’abord, le gouvernement fédéral n’a pas de programme à long terme semblable au PHN pour aider les secteurs des ressources naturelles à recueillir des données sur la quantité d’eau ou pour le faire avec eux. Ensuite, les provinces et les territoires sont responsables de gérer leurs propres ressources en eau et l’exploitation de leurs ressources naturelles; il est donc davantage de leur intérêt sur le plan des compétences comme de l’économie de recueillir des données sur la demande d’eau. Enfin, l’élaboration des données sur la demande d’eau est largement tributaire du secteur privé, car les besoins des entreprises en données personnalisées reflètent les besoins en eau de chacun des secteurs des ressources naturelles.

À l’heure actuelle, ce sont d’abord et avant tout les permis attribués qui permettent de mesurer la demande d’eau. Cela signifie que les provinces et les territoires savent combien ils allouent d’eau gràce à leur système d’attribution de permis, mais que la plupart ignorent les quantités réelles qui sont prélevées à même leurs étendues d’eau ou qui y sont retournées. À cela s’ajoute l’important manque d’information sur la distribution dans le temps et la saisonnalité des prélèvements. Cette information est et sera de plus en plus essentielle pour gérer l’attribution de l’eau durant les années de contrainte hydrique.

Les secteurs des ressources naturelles devront disposer de sources d’énergie stables dans chaque province et territoire pour se développer dans l’avenir. Au Canada, la production d’énergie thermique est le moyen principal de répondre aux besoins énergétiques des trois plus grandes provinces vivant des ressources naturelles. Les centrales thermiques produisent plus de 75 % de l’électricité de l’Ontario, de l’Alberta et de la Saskatchewan45. Afin d’assurer l’avenir de la croissance économique dans ces provinces par la filière de l’exploitation des ressources naturelles, il faudra y développer d’autres sources d’énergie. On s’attend à ce que le bouquet énergétique de l’Ontario change dans les années à venir, bien qu’on ne sache pas encore comment. Il y a deux besoins à combler : remplacer les vieilles installations de production existantes en les déclassant et augmenter la capacité de production pour répondre à la demande croissante d’énergie. À court terme, compte tenu des contraintes technologiques, la production thermique d’électricité est le seul moyen viable de répondre à l’augmentation de la demande énergétique des 10 prochaines années. De ce fait et malgré les avancées technologiques, le développement futur de l’énergie thermique accentuera probablement la pression sur les ressources en eau de ces provinces46. Dans les bassins hydrologiques de ces provinces où l’eau commence à manquer, il sera important que les décideurs aient des données fiables sur la demande d’eau pour appuyer le développement économique par la filière des ressources naturelles.

RÔLE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL FACE AUX DONNÉES SUR LA DEMANDE D’EAU

À l’heure actuelle, Statistique Canada recueille de l’information auprès des secteurs des ressources naturelles du Canada par l’entremise de l’Enquête sur l’eau dans les industries et de l’Enquête sur l’eau dans l’agriculture. L’Enquête sur l’eau dans les industries est une enquête biennale qui recueille des données sur l’utilisation brute de l’eau (prélèvement, recyclage et évacuation) par les secteurs de la fabrication, des mines et de la production thermique d’électricité47. L’Enquête sur l’eau dans l’agriculture recueille des données sur la demande d’eau dans deux sous-secteurs surtout : les cultures agricoles et l’élevage d’animaux48.

Les gestionnaires de l’eau et les institutions canadiennes comptent sur ces enquêtes et ensembles de données pour jauger les besoins en eau des secteurs des ressources naturelles. Ces programmes étant l’une des rares sources fédérales d’information sur la demande d’eau, leurs données jouissent d’une grande crédibilité. Les données se distinguent par leur méthode de collecte et d’analyse. La TRNEE a recensé cinq types de données au moment d’entreprendre ses recherches : primaires, indirectes, modélisées, analysées et hybrides. En raison de la nature de l’analyse associée à chacun de ces types de données, l’exactitude et la fiabilité de chaque ensemble de données varie. Les données primaires sont plus fiables et précises, suivies des données indirectes, puis, en queue de peloton, des données modélisées, les moins fiables et précises des trois derniers types de données sur l’utilisation de l’eau. Les données analysées et hybrides ne peuvent être ni plus précises ni plus fiables que leurs intrants (c.-à-d. les données primaires, indirectes ou modélisées)49.

L’Enquête sur l’eau dans les industries et l’Enquête sur l’eau dans l’agriculture sont toutes deux réalisées de façon à ce que les erreurs associées à ces méthodes soient intégrées aux données finales. Cependant, comme la fiabilité de l’une et de l’autre dépend des données qui l’alimentent ou des coefficients servant au calcul de celles-ci, leur degré d’exactitude est limité. Dans l’avenir, il sera important que Statistique Canada songe à utiliser des approches qui encouragent les utilisateurs de données à répondre à ces enquêtes en fournissant des données exactes et fiables.

RÔLE DES PROVINCES FACE AUX DONNÉES SUR LA DEMANDE D’EAU

Le pouvoir législatif d’élaborer et de gérer les ressources naturelles appartient aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Ainsi, toute allocation d’eau, attribution de licence et émission de permis en rapport avec l’emploi de l’eau dans les secteurs des ressources naturelles est de responsabilité provinciale ou territoriale. L’élaboration de données sur la demande d’eau dépend donc entièrement des provinces et des territoires, qui sont seuls responsables d’établir les exigences de collecte, de mesure et de communication sous forme de rapports des données relatives aux secteurs des ressources naturelles, y compris de fixer les normes de fréquence et le support de présentation des rapports. À l’heure actuelle, seulement 8 des 13 provinces et territoires obligent à présenter des rapports.

Les provinces et territoires définissent les critères que doivent respecter les utilisateurs des secteurs des ressources naturelles pour obtenir un permis d’utilisation d’eau (en Ontario, par exemple, les utilisateurs d’eau qui détournent plus de 50 000 litres d’eau par jour ont besoin d’un tel permis) ainsi que les conditions et les exigences de surveillance et de rapport qui s’y rattachent. Les utilisateurs d’eau qui restent juste en-dessous du seuil volumétrique ne sont pas assujettis aux régimes existants d’octroi de permis. Ainsi, un utilisateur d’eau de l’Ontario qui prélève 49 000 litres d’eau par jour n’est pas tenu de respecter les exigences d’obtention de permis actuelles bien qu’il soit tout de même un grand utilisateur de la ressource. De multiples utilisateurs que l’on ignore pourraient ainsi prélever beaucoup d’eau tout en échappant aux conditions d’obtention d’un permis et avoir de ce fait un impact cumulatif important. Dans l’avenir, les gouvernements provinciaux et territoriaux devront évaluer l’effet cumulatif du prélèvement d’eau par des utilisateurs qui échappent aux règlements mais qui n’en pourraient pas moins aggraver les problèmes existants de rareté de l’eau si rien n’est fait.

Tout titulaire de permis doit déclarer combien d’eau il utilise pour qu’il soit possible de mesurer avec précision la quantité d’eau utilisée. Ainsi que nous le soulignions, les exigences de rapport des provinces et territoires ne permettent pas de comparer l’utilisation réelle de l’eau à la quantité allouée sur le permis. Établir l’utilisation réelle de l’eau est un préalable à la mise sur pied de tout régime efficace d’attribution. Il s’agit du seul moyen de réaffecter des allocations de titulaires qui n’utilisent pas leur pleine part à d’autres qui ont besoin d’une plus grande allocation.

En tant qu’àmes dirigeantes des pratiques de mesure de l’utilisation de l’eau, les provinces et territoires peuvent capitaliser sur leurs exigences de rapport pour travailler à la conservation et à la bonne gestion des ressources en eau. Il sera important de mesurer uniformément l’utilisation réelle de l’eau pour en garantir la gestion durable dans l’avenir. En assurer la surveillance constante aide à en déceler les fuites et favorise une baisse de sa consommation. De plus, cela permet de brosser un tableau plus complet de son utilisation sur une période donnée : journée, semaine, mois ou saison.

DONNÉES SUR LA DEMANDE EN EAU DES SECTEURS DES RESSOURCES NATURELLES

L’utilisation finale de l’eau varie d’un secteur des ressources naturelles à l’autre, d’où l’emploi de paramètres variant selon les secteurs pour surveiller l’utilisation de l’eau, la mesurer et en faire rapport. Compte tenu de la nature unique des utilisations sectorielles, il serait peutêtre important que les gouvernements provinciaux et territoriaux conçoivent des approches sectorielles pour les systèmes de données et d’information. Les secteurs des ressources naturelles y travaillent à l’heure actuelle en établissant des programmes d’économie et de conservation de l’eau afin de répondre à leurs besoins opérationnels en y allant de leur propre chef d’initiatives volontaires de gestion de l’eau.

De nombreuses initiatives volontaires de gestion de l’eau émanant de l’industrie et du secteur privé sont utilisées par des entreprises des secteurs des ressources naturelles à l’échelle du pays. Toutes ces initiatives du secteur privé ont un volet de données sur la demande d’eau. Comme on l’a vu au chapitre 4, les initiatives volontaires sont motivées par la nécessité de s’ouvrir au public en réponse à la pression générale des intervenants et à la nécessité croissante pour les entreprises de bénéficier de l’aval de la société pour exercer leurs activités. Cela aide les secteurs des ressources naturelles à redorer leur blason auprès du public tout en établissant des pratiques communes de gestion pour mesurer le rendement des entreprises en matière d’utilisation d’eau.

Étant donné que la plupart des initiatives volontaires sont relativement nouvelles ou en chantier, la demande afférente de données est faible. Les données qui sont recueillies par l’entremise d’initiatives volontaires peuvent favoriser l’économie et la conservation de l’eau dans les secteurs des ressources naturelles. Cependant, le public se méfie des données produites exclusivement par l’industrie, tant et si bien que les provinces et les territoires hésitent à utiliser les données issues d’initiatives volontaires. Cependant, si les secteurs des ressources naturelles soumettaient les données recueillies dans le cadre de programmes volontaires à la vérification d’une tierce partie indépendante, ces données pourraient être jugées plus fiables et seraient mieux vues du public. Cela pourrait également fournir aux provinces l’information dont elles ont tant besoin pour déterminer les tendances futures de la quantité d’eau afin d’élaborer et d’instaurer des politiques viables en matière d’économie et de réglementation.

INTÉGRER LES DONNÉES AFIN DE PRODUIRE DES OUTILS DE PRISE DE DÉCISIONS LOCALES

La gestion de l’eau est un exercice intrinsèquement local. D’où l’importance de pouvoir évaluer les besoins d’eau à l’échelle du bassin versant plutôt qu’à l’échelle nationale. Les données sur l’offre et la demande d’eau n’offrent pas encore tout leur potentiel en raison de leur mode de collecte, l’accent étant mis sur l’une ou sur l’autre plutôt que sur les deux à la fois. Prises séparément, les données sur l’offre et la demande sont utiles aux organismes de réglementation et aux utilisateurs de l’eau pour évaluer l’information à grande échelle. Mais pour être en mesure de relever et de comprendre certains des défis locaux et régionaux de gestion de l’eau à l’échelle du bassin versant, les décideurs et le public doivent avoir accès à des outils de gestion intégrée de l’eau tels que des indicateurs de quantité d’eau, des modèles d’apport d’eau et des bilans hydriques. Ces outils permettent, en étayant mieux les données sur l’offre et la demande d’eau, d’évaluer à fond la situation de l’eau et d’ainsi dégager des tendances à long terme.

Au Canada, beaucoup d’intervenants conçoivent des indicateurs pour mesurer l’état quantitatif de l’eau. Environ 80 indicateurs servent à mesurer la quantité d’eau et à produire des rapports sur différentes variables. Les indicateurs ont tendance à évaluer les données en silos et à fournir de l’information dans l’optique soit de la demande, soit de l’offre50. Il faut élaborer d’autres indicateurs pour évaluer conjointement les impacts dans la perspective conjuguée de la demande et de l’offre50. En raison de l’état actuel des données sur la quantité de l’eau, il faut investir à la fois temps et argent afin de développer indépendamment les systèmes de données sur l’offre et la demande. L’élaboration d’outils de gestion intégrée de l’eau est donc un objectif à long terme visant à répondre à de futurs besoins. Au niveau fédéral, deux outils de gestion intégrée de l’eau ont été développés : les indicateurs de disponibilité de l’eau (IDE) et le modèle d’apport en eau.

Environnent Canada a lancé l’initiative des IDE afin d’adjoindre un outil important à la capacité d’évaluation des ressources en eau du Canada. Il s’agit de répondre ainsi aux besoins du public, des analystes des politiques et des décideurs en leur fournissant de l’information sur le ratio de la demande d’eau à la disponibilité de l’eau à l’échelle du sous-bassin hydrologique (ce qui représente 164 bassins versants au pays).

Statistique Canada a conçu un nouvel outil de gestion intégré de l’eau – le modèle d’apport en eau – qui permet d’estimer les actifs en eau renouvelable et de mesurer l’offre et la demande d’eau à l’échelle nationale une fois ces chiffres combinés aux résultats des enquêtes sur l’utilisation de l’eau. Depuis qu’il a produit son document de méthodologie original, Statistique Canada a validé les données pour plus de 350 autres bassins. Dans l’avenir, Statistique Canada entend offrir l’accès aux données actualisées sur l’apport en eau de sa base de données en ligne.

À l’échelle provinciale et territoriale, il se développe peu d’outils de gestion intégrée de l’eau. Il y a, par exemple, la Régie des eaux des provinces des Prairies, une entité de gestion coopérative des ressources en eau réunissant l’Alberta, le Manitoba, la Saskatchewan et le gouvernement fédéral. La Régie est née du souci d’assurer l’égalité d’accès à l’eau à l’ensemble des utilisateurs des trois provinces51. Pour s’acquitter de ses fonctions, la Régie a conçu un outil de gestion intégrée de l’eau, le « Composite Index of Vulnerability of Prairies Resources », qui évalue, pour la prise de décisions de gestion, les données tant de l’offre que de la demande d’eau en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.

Les bilans hydriques – qui renvoient ici à la modélisation des besoins en eau et des effets sur celle-ci dans l’avenir – sont prometteurs; il s’agit d’un autre outil de gestion intégrée de l’eau susceptible d’avoir un impact important à l’échelle du bassin versant. Les bilans hydriques permettent aux décideurs d’analyser des scénarios d’utilisation de l’eau à l’échelle du bassin versant au lieu de les analyser à plus grande échelle. L’échelle est importante, car l’accroissement de la superficie d’un territoire tend à camoufler les répercussions ou les stress observés à plus petite échelle. Autrement dit, les effets locaux importants passeraient probablement inaperçus dans le cadre d’une vaste évaluation en bloc de l’offre et de la demande globales à l’échelle, plus grande, de la région ou du pays.

DONNÉES SUR LA QUANTITÉ D’EAU POUR RÉPONDRE À DIFFÉRENTS BESOINS DE COMMUNICATION

L’eau étant une ressource publique, il est normal de s’attendre à ce que les données sur son utilisation par les secteurs des ressources naturelles soient mises à la disposition des experts techniques, des décideurs et du public. Ces trois clientèles requièrent de l’information d’une complexité et d’une finesse variables pour répondre à différents besoins. Les ordres de gouvernement doivent tous collaborer pour veiller à ce que les données sur l’eau soient mises à la disposition du public, des experts techniques et des décideurs afin de répondre à la variété de leurs besoin d’information. Au coeur de la nécessité d’améliorer l’accès aux données se trouve celle pour tous les ordres de gouvernement de faire l’analyse stratégique des utilisations finales des données. Si les données sont rendues publiques, il pourrait se révéler important, pour des raisons de concurrence, de filtrer les données sensibles sur la quantité d’eau. En même temps, les données brutes sur la quantité d’eau doivent être accessibles aux experts techniques et scientifiques.

Il est délicat de diffuser publiquement les données sur l’eau provenant des secteurs des ressources naturelles en raison des procédés internes servant au traitement et à la fabrication des produits. C’est en bonne partie ce qui explique qu’on ne dispose à l’heure actuelle que de peu d’information sur l’utilisation de l’eau par les entreprises. Certains secteurs font publiquement rapport de leur utilisation de l’eau par l’entremise d’associations industrielles ou le font individuellement dans leurs rapports de durabilité; mais pour l’essentiel, les entreprises et les producteurs ne divulguent pas publiquement de données sur leur utilisation de l’eau. Il faut reconnaître que les industries pourraient devoir protéger toute information susceptible d’être déduite de leurs mesures de l’apport et de l’écoulement. En même temps, il est important pour les organismes de réglementation de connaître l’utilisation de l’eau pour en prévoir les répercussions sur les écosystèmes (c.-à-d. son écoulement et la quantité qu’en consomme toute installation).

Bien qu’il soit important de faire preuve de transparence envers le public, les données ne devraient pas être présentées seules puisqu’il est facile de mal les interpréter hors contexte. Il est essentiel de situer les données et l’information sur l’eau dans leur contexte lorsqu’on les présente au public (p. ex. l’utilisation de l’eau par rapport au débit naturel moyen d’un bassin donné, le pourcentage de l’utilisation totale de l’eau dans un bassin par secteur, etc.). Il serait probablement acceptable de fournir des données agrégées selon le secteur des ressources naturelles ou le bassin versant. Les données pourraient être regroupées par secteur et région, mais il faudrait éviter de le faire par entreprise ou sous-région si on n’y trouve que quelques utilisateurs.

RÉSUMÉ

Le présent chapitre évalue les systèmes de données relatives à la quantité d’eau au Canada en examinant les aspects de l’offre et de la demande des bilans hydriques. Au Canada, des ressources financières sont consacrées aux données sur la quantité d’eau offerte et des accords de partage des coûts ont été conclus afin de développer et de déployer un système pancanadien fiable de données sur la quantité d’eau. La capacité de surveillance et les protocoles de rapport sont bien implantés du côté de l’offre. Les intervenants comprennent bien leurs rôles respectifs. Les systèmes de données sur l’offre d’eau comportent bien quelques lacunes, mais ils sont solides et continueront à se développer en s’améliorant et en colmatant leurs brèches. Les systèmes de données sur la quantité d’eau demandée se trouvent aux antipodes en ce qui a trait à leur développement et à leur déploiement, variant d’une province et d’un territoire à l’autre. Tous les ordres de gouvernement doivent combler d’importantes lacunes en collaboration avec les secteurs des ressources naturelles afin d’établir pour les données sur la demande des protocoles de mesure, de surveillance et de rapport uniformes à l’échelle du pays.

Au Canada, aucun ordre de gouvernement n’a la capacité d’intégrer les données sur la quantité d’eau tant offerte que demandée afin d’évaluer et de prévoir la disponibilité de l’eau à l’échelle locale du bassin versant. Les gouvernements doivent se donner la capacité intellectuelle de produire des outils de gestion de l’eau qui fournissent de l’information à l’échelle prioritaire du bassin versant. Enfin, les données sur la quantité d’eau sont utilisées par une multitude d’utilisateurs finals aux besoins d’information divers. À l’avenir, les gouvernements devront évaluer, par des processus transparents, les différents profils d’utilisation finale des données sur la quantité d’eau. Il sera important, en se fondant sur ces évaluations stratégiques, de concevoir des systèmes intelligents de données sur la quantité d’eau qui permettent non seulement de répondre aux besoins présents de données sur la quantité d’eau, mais également de prévoir les tendances à l’égard de ces données.

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Footnotes

36 McKinsey Global Institute, 2011

37 Marbek Resource Consultants, 2009

38 Conseil des académies canadiennes, 2009

39 Gouvernement du Canada, 2009

40 Environnement Canada, 2011

41 Gouvernement du Canada, 2010

42 Environnement Canada, 2011

43 Gouvernement du Canada, 2010

44 Shrubsole, 2006

45 Association canadienne de l’électricité (ACé), 2008

46 Projet de recherche sur les politiques (PRP), 2008

47 Statistique Canada, 2010b

48 de Loë, 2005

49 Marbek Resource Consultants, 2009

50 Dunn, 2009

51 Régie des eaux des provinces des Prairies